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Mes adieux à Tchili


Tchili, ma petite terrier. Je vous en ai parlé souvent au fil du temps, ici sur Flair & cie le webzine. Adoptée de la SPCA des Laurentides à un âge indéterminé – mais certainement en haut de 5 ans-, nous avions rapidement découvert qu’elle était sourde et qu’elle souffrait d’anxiété. Quand on adopte un animal adulte, on imagine souvent toutes sortes de scénarios sur son passé et cela nous donne le rôle du héros qui a sauvé l’animal. Nous n’avons pas échappé à ça et je me suis souvent dit que Tchili (ce n’était pas son nom à l’époque) avait dû être abandonnée à cause de son anxiété exacerbée par sa surdité. 

J’ai souvent adressé mes remerciements anonymes à son ancienne famille, qui lui avait tout de même offert une deuxième chance, en la confiant à un refuge. Il y a plein de circonstances dans la vie qui font que parfois, même d’excellentes familles ne peuvent plus s’occuper adéquatement d’un animal. Je ne juge pas. Parce qu’il y a aussi plein de gens comme ma famille et moi, qui aiment donner une deuxième ou troisième chance à des animaux et qui les acceptent avec leurs besoins spéciaux.  

Au fil des années, Tchili a été plus confortable et la gestion de son anxiété s’est avérée un succès, avec les médicaments. Les premières années, Tchili n’arrivait pas à dormir profondément.  Elle restait dans un état d’hypervigilance, tombait de sommeil et se relevait combative et épuisée. Nous avons toujours visé son confort avant tout. Comme elle nous a donné du fil à retordre pour l’administration de ses médicaments!  Mme-Terrier, pourtant heureuse de dévorer tout et n’importe quoi à l’extérieur, se transformait en grand gourmet à l’heure de la prise de ses médicaments: pill pocket, creton, saucisse, fromage, yogourt, beurre d’arachide, conserve, restant de table, on variait les plaisirs pour lui faire avaler sa médication. Elle nous a forcés pendant ces dernières années, à être très créatif et inventif!  

Puis, au fil du temps, ses reins sont devenus paresseux. Les mictions dans des endroits inopportuns sont devenues fréquentes et de la médication a été ajoutée. On ne gagne pas la bataille quand les reins ne sont plus fonctionnels. On ralentit l’évolution et, toujours selon ma plus grande philosophie, on vise d’abord le confort de l’animal. Il n’est pas acceptable à mon avis de garder un animal souffrant sans en prendre soin. La médecine vétérinaire permet tellement d’analgésies et de traitements maintenant que le confort peut toujours être amélioré. 

Dernièrement, on savait que les derniers jours de Tchili approchaient. J’avais consulté une spécialiste en médecine interne, pour avoir un portrait plus complet de la situation et faire ce qu’il y avait de mieux pour elle. Fonte musculaire marquée, mauvaise vision, troubles digestifs, difficulté à marcher et troubles cognitifs faisaient partie du quotidien de Tchili. Avec sa voix bizarre (les animaux sourds ne s’entendent pas et ont souvent des voix tonitruantes), elle nous surprenait de plus en plus souvent à japper pour on ne savait qu’elle a raison. Pour Tchili, les promenades étaient chose du passé, elle n’y prenait plus plaisir. En famille, nous avions commencé à discuter du départ de notre petite tannante attachante. On se préparait à prendre la décision ultime, tentant encore quelques approches avec différentes médications. 

Puis ce matin-là, Tchili a accéléré les choses. Dans le brouhaha matinal, elle a uriné en descendant les escaliers et a trébuché, se blessant gravement. 

Nous avons choisi de l’euthanasier. Je me suis rendue en clinique avec ma fille Florence. Tchili est partie doucement, dans ses bras.  Florence a les mots et les gestes discrets, mais elle a le cœur grand. Elle accepte la différence sans en faire de cas (autant chez l’humain que chez l’animal). Ses valeurs d’inclusion me rendent fière d’elle. Elle était l’humain d’attachement de Tchili. Leur relation en était une d’amitié profonde. 

À ce moment-là, ma tristesse de maman devant la grande peine de mon adolescente s’est ajoutée à l’impuissance de la vétérinaire qui voudrait toujours pouvoir soigner. Et puis j’avais aussi perdu une amie canine. Un moment bien triste. 

Tchili a été à la fois discrète dans nos vies tout en étant exigeante. Sur sa housse Euthabag, je lui ai écrit un dernier hommage: « Nos chemins se sont croisés à la SPCA. Tu as bien accompagné l’adolescence de Florence. Je t’en suis reconnaissante ».   

J’ai eu plusieurs amis chiens dans ma vie, chacun d’eux a contribué à mon bonheur. Chacun d’eux m’a appris quelque chose. Tchili, mon terrier hirsute, a contribué à alimenter chez mes enfants, des valeurs de respect et de patience envers les animaux a besoin spéciaux. Au paradis des chiens, je souhaite à Tchili du calme, de la zénitude, de l’ouïe, de la vision et une amie aussi proche d’elle qu’elle l’a été de ma fille.  Mes amitiés, ma chère Tchili.  Bon voyage.

Elle signe ce texte

Fondatrice du magazine web Flair & Cie, Dre Lucie Hénault est médecin vétérinaire et propriétaire avec 7 associées, de 8 établissements vétérinaires dans la grande région de Montréal. Dre Hénault est gestionnaire de l’Hôpital vétérinaire de Montréal, à Westmount.