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La dominance chez le chien : une notion réelle ou dépassée ?


On entend souvent autour de nous des personnes qui, pour parler du comportement d’un chien envers un autre, utilisent les termes de « dominance » et de « soumission ». Mais ces notions de hiérarchie ont-elles été vérifiées scientifiquement ? Les chiens peuvent-ils vraiment être catégorisés selon leur propension à dominer ou à se soumettre ? Réfléchissons ensemble pour y voir un peu plus clair.

Plusieurs études récentes sur le comportement des loups vivant à l’état sauvage ne tirent pas les mêmes conclusions que celles ayant trait aux meutes en captivité. En effet, les loups sauvages font preuve de moins de compétition entre les membres d’un même groupe. Alors qu’on croyait autrefois que la meute était composée d’un seul membre alpha (le dominant) qui contrôlait le groupe, on observe plutôt aujourd’hui plusieurs cellules familiales composées du père, de la mère et de leurs petits dans lesquelles les parents n’expriment de l’autorité que sur les plus jeunes. Mais au-delà de cette évolution d’analyse, est-il pertinent de comparer le chien au loup ? Notre ami canin vit aux côtés de nous, les humains, depuis bien longtemps.  Est-il approprié de comparer son comportement à celui d’un animal qui n’a pas été apprivoisé de la même façon ? Poser la question, c’est y répondre.

La dominance : variable selon le contexte

En fait, si l’on observe plusieurs chiens dans un même enclos, l’un d’eux dirigera davantage ses congénères dans un contexte précis, alors qu’un autre prendra la relève dans un autre. Par exemple, un chien peut vouloir protéger sa nourriture d’un autre, parce qu’il est gourmand et que cette ressource est importante pour lui. Mais il pourra sans faire d’histoire laisser son jouet préféré à son ami, car cette ressource a moins d’importance pour lui.  À l’inverse, le chien qui s’était fait rabrouer pour la nourriture pourra à son tour grogner envers son ami si celui-ci lui pique sa balle pour le tenir à l’écart. Qui est alors le dominé ou le dominant ? Nous voyons que cela dépend du contexte et qu’il ne faut pas tirer des conclusions hâtives. En fait, la dominance vient souvent avec une question de motivation: si pour le chien, la balle revêt une grande importance, il sera motivé pour l’avoir en premier et juste pour lui. Même chose pour la nourriture. 

La dominance : un trait inné ?

Par ailleurs, la dominance n’est pas un trait inné, mais plutôt une caractéristique acquise. Vous avez sans doute déjà entendu parler du fameux test de Campbell mis au point en 1973 : si un chiot, dans une portée, se laisse mettre sur le dos et caresser le ventre, c’est qu’il sera soumis. Par contre, s’il tente de se relever, c’est qu’il sera plutôt dominant. Pourtant, on sait maintenant que des chiots qui étaient dits soumis en bas âge ne sont pas forcément plus faciles à éduquer. Le test de Campbell n’est donc pas fiable. Ainsi, la propension à la dominance est un trait de caractère que chaque chien acquiert en grandissant, selon les expériences vécues.  C’est une caractéristique non pas innée, mais acquise.

Les mauvaises interprétations

Dans la vie de tous les jours, nous attribuons certains comportements de notre compagnon canin à de la dominance. Pourtant, le terme n’est pas forcément approprié.

Imaginons par exemple que votre poilu grogne quand vous l’approchez alors qu’il est couché confortablement sur votre lit.  Vous concluez qu’il est dominant. En tant que vétérinaire comportementaliste, si je regarde son langage corporel, je constate plutôt que votre poilu tente de vous dire qu’il n’est pas à l’aise dans cette situation ou qu’il ne veut pas interagir avec vous. L’avez-vous déjà confronté auparavant dans une situation similaire ? Il serait donc normal qu’il vous craigne. Cette réaction n’a donc rien à voir avec de la dominance.

D’ailleurs, en lui enseignant une routine et en faisant des exercices qui renforceront sa confiance en vous, vous réussirez sans doute à arrêter ce grognement lorsque vous vous approcherez de lui. Vous pourriez par exemple installer un lit pour chien près du vôtre, et inviter votre pitou à s’y coucher avec sa gâterie préférée. Après quelques répétitions, il montera de l’enthousiasme à votre approche plutôt que de la crainte… Et, il y a de fortes chances qu’il préférera désormais se prélasser dans son propre lit.

En conclusion, nos chiens ont comme nous toutes sortes de personnalités. Lorsqu’ils expriment un comportement, il est souvent limité à une situation ou à un contexte précis. Plutôt que de rapporter leurs comportements à une hiérarchie, soyons à leur écoute et observons! N’ayant pas la parole pour s’exprimer, ils nous envoient des signaux par leurs corps. Et bien souvent, ce que nous percevons comme un comportement indésirable peut être amélioré par du renforcement positif. Si votre chien présente des comportements que vous n’aimez pas, n’hésitez pas à faire appel à votre équipe vétérinaire. Elle saura vous guider vers la ressource appropriée. 

Elle signe ce texte

Dre Isabelle Demontigny-Bédard est médecin vétérinaire spécialiste en comportement et propriétaire avec 7 associées, de 8 établissements vétérinaires dans la grande région de Montréal. Dre Demontigny-Bédard est gestionnaire de la Clinique vétérinaire Dollard.