Elles ont un parcours brillant, exercent leur métier avec passion et rendent la pratique vétérinaire meilleure, chacune à leur façon. Rencontre avec Dre Suzanne Lecomte, consultante en gestion animalière ayant développé une expertise en évaluation de la dangerosité des chiens.
Par Nathalie Slight
Suzanne, comment vous êtes-vous dirigée en gestion animalière?
Après avoir gradué de la Faculté de médecine vétérinaire de Saint-Hyacinthe, j’ai pratiqué la médecine et la chirurgie en clinique pendant près de 20 ans. Puis, de 2005 à 2009, j’ai été inspectrice en chef d’ANIMA-Québec. Le rôle d’ANIMA-Québec était alors d’inspecter les lieux de garde et de vente de chiens et de chats à travers la province. Puis de 2012 à 2017, j’ai été conseillère en planification de la gestion animalière pour la Ville de Montréal.
Et c’est là que vous vous êtes plus particulièrement intéressée à l’évaluation de la dangerosité canine.
Exactement. Parmi les activités organisées par la ville, il y avait les causeries dans les parcs canins. J’accompagnais l’éducateur canin Jean Lessard et j’ai pu parfaire ma lecture des chiens à ses côtés. J’étais déjà intéressée par le comportement animal et je savais que les chiens communiquent par la position de leurs oreilles, la posture de leur corps et de leur queue, mais il n’y a rien comme faire l’observation sur le terrain de chiens qui interagissent entre eux. Les chiens n’utilisent pas de mots mais ils communiquent énormément, et il faut porter attention à ce qu’ils nous disent au quotidien.
Depuis 2018, vous travaillez comme consultante en gestion animalière. Vous avez évalué la dangerosité de plus de 200 chiens jusqu’à présent. Comment se déroule une évaluation?
J’adore les chiens, mais je n’accepte pas que des problèmes de comportements puissent compromettre la sécurité publique. Si un chien souffre de maladie mentale, s’il a des problèmes de comportement, des mesures peuvent remédier à la situation. Tenir le chien en laisse, clôturer le terrain, lui faire porter une muselière en public, le médicamenter s’il y a lieu : il existe plusieurs solutions pour qu’un chien présentant une certaine dangerosité puisse vivre sa vie sans menacer celle d’autrui. Il est important de spécifier que, contrairement à ce que plusieurs croient, peu de chiens évalués sont euthanasiés.
Comment se déroule une évaluation de dangerosité?
Premièrement, j’effectue une entrevue avec le propriétaire en présence de son chien. De l’adoption à l’incident qui a mené à l’évaluation, je retrace l’histoire de l’animal. Je mène ces entrevues avec une bonne dose de compassion et d’empathie, parce que les propriétaires d’animaux aiment leur animal de compagnie. Durant l’entrevue, le chien est filmé et je confie les vidéos à l’un de mes deux collaborateurs, Lucie Malouin et Gilbert Trahan, tous deux intervenants en éducation canine, qui analysent le comportement du chien.
Revenez-vous aussi sur l’incident?
Bien sûr. Il est important de remettre en contexte ce qui est arrivé. Si un chien mord parce qu’il a reçu un coup de pied, il s’agit d’une réaction défensive tout à fait normale. Mais si un chien mord un passant qui n’a eu aucune interaction avec lui, pas même un regard, là il y a un problème. Le contexte, le type d’agression, les blessures subies, etc. Plusieurs éléments sont à évaluer. C’est à partir des données recueillies via l’entrevue, le comportement du chien durant la rencontre et les détails de l’incident qu’on arrive à noter la dangerosité du chien sur une échelle de 1 à 10. À noter qu’il n’y a pas de zéro, puisqu’avec un animal, le risque zéro n’existe pas.
Y a-t-il des races plus dangereuses que d’autres?
Je ne m’aventurerai pas sur ce terrain glissant! (rires) Certaines races sont davantage présentes au niveau des évaluations, mais chaque chien possède sa propre histoire, sa propre personnalité et évolue dans un environnement différent en compagnie d’humains différents, alors on ne peut pas faire de généralisation.
(Au moment de raccrocher avec Dre Lecomte, un chien se met à japper).
C’est mon chien, une Braque de Weimar tout à fait magnifique. Elle est la plus récente de mes chiens que je qualifie affectueusement d’usagés. Tous les chiens que j’ai adoptés souffraient de problèmes de santé physique ou mentale. Même s’ils requièrent des soins particuliers, leur compagnie vaut mille fois tous les efforts fournis.
À propos de Suzanne Lecomte…
Diplômée de la Faculté de médecine vétérinaire de Saint-Hyacinthe, Dre Suzanne Lecomte a pratiqué en clinique pendant près de 20 ans, pour ensuite relever de nouveaux défis. Elle a été inspectrice en chef d’ANIMA-Québec de 2005 à 2009, puis ensuite conseillère en planification de la gestion animalière pour la Ville de Montréal pendant cinq ans. Aujourd’hui, elle est consultante en gestion animalière municipale. En collaboration avec Dre Diane Frank et Guy Beauchamp, Dre Lecomte a publié dans le Canadian Veterinary Journal de mai 2021, un article sur l’évaluation de la dangerosité canine.