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Témoignage. « J’ai 35 ans de pratique vétérinaire et j’aime toujours autant ma profession. »


J’ai 35 ans et je me sens encore toute jeune. Normal me direz-vous! Je suis effectivement encore bien jeune même si j’ai franchi le cap de 35 années de pratique vétérinaire 😊

Bien sûr que les cheveux ont une teinte plus pâle et que mes jeunes employées commencent à travailler en me disant « vous ». Quelques clients osent aussi me demander si j’envisage la retraite. J’y pense, je la planifie, mais je m’amuse encore alors je continue.

Les débuts

Je suis née sur une ferme de vache laitière. De belles petites Canadiennes bien douces que je me plaisais à accompagner au champ quand j’étais petite. Je les aimais tellement que je me levais avant mon père tôt le matin pour aller à leur rencontre dans le champ juste avant l’heure de la traite. J’ai adoré mes années d’enfant. Il y avait toujours un chien pour nous accompagner au champ ou lors de nos jeux, nous étions entourés d’une dizaine de chats, on a eu un cheval, des lapins, des chèvres, des oies… J’ai appris la vie, la maladie, la mort aussi. On s’attachait, puis on devait laisser partir, souvent avec des larmes. On n’oublie pas, mais on continue à avancer et à aimer.

La continuité

J’ai choisi le métier de vétérinaire parce qu’il était la plus belle continuité à mon enfance.

J’ai eu mon permis de pratiquer la médecine vétérinaire en juin 1987. Je suis propriétaire de ma clinique actuelle depuis juillet 1995. La clinique a déménagé, nous avons agrandi et je suis passée de 2 à 20 employées. D’un seul à plusieurs milliers de clients. J’ai effectué plusieurs chirurgies en me disant que quelqu’un d’autre serait meilleur que moi pour le faire. Il m’est arrivé de soigner des animaux sans trouver de façon précise de quelle affection ils souffraient. Il y a 25 ans, les spécialistes n’étaient pas nombreux et peu accessibles et les pratiques étaient plus petites alors on se sentait souvent seul. Heureusement l’univers vétérinaire a évolué et nous permet de servir plus adéquatement les propriétaires d’animaux en soignant de façon tellement plus appropriée! Difficile de croire qu’on a commencé à pratiquer sans tous les moyens de communication actuels! Comment arrêter de faire ce beau métier devant autant de possibilités d’être meilleure qu’avant!

L’amour du métier

J’aime de plus en plus pratiquer ce métier parce que je travaille en collaboration avec d’autres vétérinaires qui sont meilleurs que moi pour certains problèmes ou pour faire une chirurgie compliquée et il arrive que je sois meilleure qu’elles dans d’autres situations. C’est un merveilleux travail d’équipe. En plus, nous avons accès tellement rapidement à d’excellents spécialistes qui nous accompagnent lors de situations plus compliquées. Je ne suis jamais seule. Au cours de cette longue carrière, je me suis sentie souvent isolée, face à des cas complexes. Ce n’est plus le cas aujourd’hui et ça fait partie de ce qui me fait apprécier mon travail. 

Depuis toujours, j’aime les animaux. Il est certain qu’en 35 ans de travail vétérinaire, j’ai dû dire adieu à un nombre incalculable d’amis plus ou moins poilus. Quelques batailles perdues m’ont marquée plus que d’autres. J’ai malgré tout appris à accepter la défaite, dans les moments où je savais que je n’aurais pu faire plus. Ce n’était pas MA défaite, mais celle du corps que j’essayais de soigner. J’ai su continuer en me concentrant sur les victoires et sur l’accompagnement que j’apporte à mes clients. Ma présence et mon avis sont importants et précieux pour eux, et ce même après le départ de leur animal.

Avec les années, l’affection que je porte à mes clients est devenue presque aussi importante que celle pour leur animal. J’aime ceux qui aiment les animaux! Après plus de 3 décennies, plusieurs clients viennent me consulter pour leur 3e ou 4e animal consécutif. On parle souvent avec tendresse du premier compagnon avec lequel nous avons bâti notre relation. La vie a continué et continuera encore. Cette relation de confiance me nourrit chaque jour!

Qu’est-ce qui m’a aidé à avancer? C’est certain qu’à chaque bataille gagnée sur la maladie, à chaque merci de la part d’un client, à chaque sourire d’une employée satisfaite de voir l’animal prendre du mieux j’ai le merveilleux sentiment du devoir accompli.  Ce n’est pas facile chaque jour, mais la moyenne est excellente. 

Depuis quelques années on parle beaucoup de l’abandon de la pratique vétérinaire plus standard, celle qui permet de soigner vos petits compagnons. Pour certains vétérinaires c’est plus une réorientation qu’un abandon. Les besoins sont nombreux dans plusieurs domaines et l’offre est tellement grande qu’il est normal que plusieurs réorientent leur carrière pour que l’horaire, l’emplacement et la qualité de vie leur conviennent mieux. Un nouveau défi est stimulant et permet de développer d’autres facettes de la personnalité et de mettre à profit les nombreuses capacités de nos vétérinaires. Cependant il est, dans d’autres cas, extrêmement dommage de constater que plusieurs abandonnent avec tristesse et découragement. C’est un si beau métier! Souhaitons que toutes les instances impliquées dans la grande réflexion entreprise pour comprendre ce malheureux phénomène sauront trouver des pistes de solution. En attendant, soyez patients et compréhensifs avec votre vétérinaire de famille. Votre sourire et vos mots d’encouragement font toujours la différence dans notre journée!

Elle signe ce texte

Dre Élise Coutu est médecin vétérinaire, propriétaire de la Clinique vétérinaire du compagnon à Sainte-Marie, en Beauce.