Retour

Mythes et réalités : Comment fonctionne le cerveau-diagnostic de votre vétérinaire ?


Après plusieurs années sur les bancs d’école et en clinique, le cerveau de votre vétérinaire est devenu une véritable encyclopédie. C’est en puisant dedans que ce dernier pourra vous offrir ses meilleurs conseils. Tout un art ! Comment votre vétérinaire en arrive-t-il aux recommandations qu’il vous fait ? Pourquoi un chien qui vomit peut-il retourner à la maison avec quelques médicaments alors qu’un autre doit faire une panoplie de tests ? Je vous propose un bref voyage dans le cerveau de votre vétérinaire !

Le vétérinaire agit comme un véritable détective. Il possède une vaste connaissance du fonctionnement du corps des animaux ainsi que des maladies fréquentes et rares. Chaque jour, il parcourt son encyclopédie interne pour en dresser une liste pertinente et personnalisée à chaque cas. Un travail qui demande des années d’entraînement ! Voici, en gros, comment il procède :

01

Recueillir des indices

  • L’anamnèse (historique du patient) : le but de cette étape est de recueillir des informations pertinentes sur le patient. Le vétérinaire vous demande des informations de base sur l’animal comme son espèce ou sa race, son âge, son sexe, son type d’alimentation. Il vous demande aussi s’il est stérilisé ou pas, s’il prend de la médication, s’il a des problèmes de santé connus, s’il a été vacciné et/ou traité contre les parasites, s’il présente actuellement certains symptômes, et si oui, depuis quand et à quelle fréquence. Savoir poser les bonnes questions au bon moment est une habileté qui s’acquiert avec la pratique.
  • L’examen physique : il commence dès que votre animal passe le seuil de la clinique. Le vétérinaire observe sa démarche, son comportement et la façon dont il interagit avec lui. Ensuite, il effectue un examen de votre poilu de la tête aux pieds afin de détecter d’éventuels inconforts ou masses, d’observer des lésions ou des infections, et parfois même de trouver des parasites comme des puces.

02

Dresser une liste des problèmes

  • Le vétérinaire doit souvent analyser une foule d’informations. Il dresse ainsi une liste de ses observations afin d’y voir plus clair. Prenons l’exemple de Taco, un poméranien de neuf ans qui vomit depuis deux jours. Après avoir discuté avec ses propriétaires et examiné le patient, le vétérinaire pourrait établir sa liste de la façon suivante :
  • Vomissements fréquents depuis deux jours
  • Déshydratation à 5 %
  • Maladie parodontale (tartre abondant)
  • Luxation de rotule grade 2 genou gauche

03

Dresser une liste des diagnostics différentiels

Le diagnostic différentiel est une liste de toutes les maladies pouvant expliquer les symptômes ou trouvailles de l’examen. Une liste est dressée pour chaque problème. Elle va des causes les plus probables aux moins probables. Le vétérinaire adapte ensuite cette liste selon l’historique du patient. Voici deux exemples de listes pour un animal qui vomit.

Historique et examen

Virgule, chiot de deux mois, pas encore vacciné ni vermifugé, a vomi quatre fois depuis ce matin, a été adopté il y a une semaine, déshydraté et léthargique.

Luna, chienne de quatre ans, vomit une ou deux fois par jour depuis deux jours, diarrhée depuis deux jours, bon état général à l’examen. Ses croquettes habituelles n’étaient pas disponibles au magasin.

Diagnostic différentiel

  • Corps étranger/Obstruction intestinale
  • Maladie infectieuse telle que le parvovirus
  • Parasites intestinaux
  • Changement alimentaire trop rapide
  • Gastro-entérite : Indiscrétion alimentaire, parasites ou gastro infectieuse
  • Pancréatite
  • Maladie métabolique

04

Proposer des tests diagnostiques

Selon les problèmes observés, le vétérinaire établit une liste mentale des tests à faire pour chaque symptôme, allant des plus aux moins pertinents. Il utilise ensuite l’historique et le diagnostic différentiel pour proposer les tests les mieux adaptés à la situation. Certains tests peuvent lui permettre de compléter l’information qu’il lui manque pour établir un diagnostic tandis que d’autres l’aideront à commencer les traitements appropriés. Reprenons l’exemple de Virgule et de Luna. Les deux chiens consultent pour des vomissements. Toutefois, ils devront effectuer des tests différents et recevront des traitements distincts. Virgule aura sans doute besoin de faire une imagerie, un bilan sanguin et des tests de dépistage de parasites et de parvovirus, alors que Luna pourrait passer un test de dépistage des parasites et un autre pour la pancréatite.

05

Établir un plan de traitement

En s’appuyant sur ses listes de problèmes et de différentiels, le vétérinaire cible les traitements les plus urgents à donner et ceux qui peuvent être proposés plus tard. Ainsi, pour Taco (voir point 2), il traitera en premier lieu les vomissements et la déshydratation. Une fois ces problèmes résolus, il proposera à son patient une intervention dentaire pour traiter la maladie parodontale et une chirurgie et/ou des traitements pour soigner son arthrose et sa luxation de rotule.

06

Recueillir d’autres informations et ajuster le plan

La façon dont chaque animal répond aux traitements fournit de nouvelles données au vétérinaire. Celui-ci peut donc ajuster le plan de traitement si nécessaire. Chaque décision prise s’appuie sur des observations concrètes. Le vétérinaire peut donc vouloir réexaminer votre animal.

Bien entendu, toutes ces étapes se font souvent en quelques minutes.  En tant que vétérinaire, ce processus est tellement encré en moi que mes listes se font automatiquement dans ma tête à chaque fois que je croise un chien dans la rue. J’ai alors droit aux remarques de mon conjoint qui entend parler de chiens et de chats à chacune de nos balades ! Mais que voulez-vous, c’est une déformation professionnelle. Mon métier est si passionnant !

Elle signe ce texte

Dre Julie Ladouceur est vétérinaire à l'Hôpital vétérinaire de Montréal.