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Lettre à Aura, mon chat. De grande sœur à ange gardien


Je me rappellerai toujours quand je suis entrée dans cette chatterie. Vous étiez tous des chats d’enseignement, c’est-à-dire que pendant 2 ans, vous viviez à la Faculté de médecine vétérinaire. Grâce à vous, les étudiants pouvaient travailler éthiquement, avec de vrais animaux! Tes copains et toi étiez sur le point de prendre votre retraite. Vous deviez trouver une famille pour y passer le reste de votre vie, une retraite bien méritée. Toi, tu étais haut perchée dans ton arbre à chats. Les autres se promenaient et venaient me voir, miaulaient, me grimpaient sur les tibias pour que je les prenne dans mes bras. Mais toi, tu n’as pas bougé. Tu es restée là, à fixer ce qui se passait plus bas, puis à me fixer, moi. Je t’ai trouvé absolument magnifique. Avec ta petite tache brune sur le nez et ton long poil blanc. Je suis allée vers toi et j’ai regardé ton collier; Aura. C’était ton nom. Je suis tombée en amour. À ce moment-là, j’ai su que tu serais à moi.

Il te restait un an à faire dans ce laboratoire, avant de partir. J’ai compté les jours. Puis, un jour on m’a appelée; tu pouvais enfin quitter pour venir chez moi. Je suis allée te chercher en courant. Tu avais 5 ans, déjà. La première chose que j’ai faite, c’est te mettre dans mon lit. Tu avais l’air de trouver ça moelleux. Tu as fait des « petits biscuits » pendant plus d’une heure. Tu goûtais pour la première fois au confort que j’allais te donner tous les jours ensuite. Tu as passé les 2 années suivantes à St-Hyacinthe avec moi, dans mon appartement. Tu me tenais compagnie pendant que je finissais mes 2 dernières années de médecine vétérinaire.  Tu m’as aidée à passer au travers, tu m’attendais tous les soirs à la maison.

Puis, je suis devenue vétérinaire. J’ai aménagé dans ma nouvelle maison, avec toi et ton papa humain. Tu t’es vite adaptée et nous avons établi nos petites routines; tous les matins tu venais te frotter contre mes jambes pendant que je buvais mon café; tous les soirs, tu venais te blottir dans mon lit pour que je brosse ton long poil. Tu pouvais ronronner pendant très longtemps.

Quand je suis tombée enceinte, tu as tout de suite fait partie de la vie de ce bébé. J’ai pris des photos de ma « bédaine » avec toi, à chaque mois. J’ai mis des photos de toi dans son livre de bébé. Quand nous avons annoncé la venue de ma fille, c’était une photo de toi avec l’image de l’échographie. Tu as essayé tous les endroits dédiés au bébé; sa bassinnette, son tapis de jeu, son petit bain. Tu t’es couchée dans ses vêtements, sur ses peluches. Je savais que tu serais une grande sœur fantastique et que tu serais là pour elle en grandissant. J’ai passé mon congé de maternité avec toi, à profiter de n’être que nous deux. Puis, ma fille est née. Évidemment, les choses sont devenues un peu folles, mais j’ai toujours continué à prendre du temps pour toi. Alors que ma fille avait seulement 2 semaines, tu es venue te coucher près de nous et tu l’as laissée toucher ton poil. Je savais que notre vie ensemble serait merveilleuse. Tu avais maintenant 9 ans.

Un matin, je me suis levée et je suis descendue avec ma fille pour déjeuner. Mais toi Aura, tu n’es pas venue te frotter contre mes jambes. Je suis allée te voir, tu étais cachée dans un placard. Ton ventre était énorme et tu as miaulé. Je t’ai immédiatement emmenée à l’Hôpital vétérinaire de Montréal où ma collègue travaillait. On a fait des radiographies et une échographie de ton ventre; il était rempli de liquide. On l’a aspiré avec une aiguille et c’était du sang. Je suis vétérinaire, je sais donc que ce ne sont pas des bonnes nouvelles. Je t’ai emmenée au centre d’urgence où un spécialiste a aussi fait une échographie; cancer du foie très avancé. Avec métastases. On m’a annoncé que tu étais mourante. Je t’ai ramenée chez moi et t’ai donné la canne que tu aimais tant. Puis, tu t’es reposée dans mes bras pendant cinq heures. Devant moi défilaient tous les futurs « souvenirs » que j’avais imaginés avec toi. Je n’aurais jamais pensé que tu ne serais pas là pour ma fille; j’étais sûre que vous deviendriez les meilleures amies du monde. Mais je n’avais pas le droit d’être égoïste, il était hors de question que tu souffres.

Ce jour-là, j’ai pris la décision la plus difficile de ma vie; te dire au revoir. Tout a été trop rapide. C’est injuste. Je me console en me disant que je t’ai donné une vie formidable, mais je ne peux m’empêcher de la trouver beaucoup trop courte. Je me convaincs que la tristesse, un jour, laissera place à des souvenirs heureux.

Mais pour l’instant, ton absence m’écrase et la tristesse m’envahit.

Perdre un animal, surtout soudainement, n’est jamais facile. J’ai eu la chance d’avoir une relation privilégiée et unique avec toi, que je ne retrouverai jamais totalement ailleurs. Le deuil est une étape infiniment triste, mais avec du recul, on sait bien que ça en valait la peine.

Aura, tu ne seras pas grande sœur, mais un ange gardien.

Je t’aime.

Elle signe ce texte

Dre Lortie-Watkins est médecin vétérinaire. Elle a débuté sa pratique, dès sa sortie de la Faculté, à l’Hôpital vétérinaire de Montréal.

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