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Histoire vraie. Roco : l’euthanasie la plus difficile de ma carrière…


L’euthanasie, cet acte par lequel l’on provoque la mort d’un animal en douceur et sans souffrance, n’est malheureusement pas une procédure sans conséquence autant pour son humain que pour le vétérinaire qui l’effectue. Nombreux sont ces derniers qui refusent les euthanasies de convenance et qui n’acceptent de le faire que lorsque l’animal a une maladie grave, incurable, lui causant une détérioration de son bien-être ou des souffrances inutiles. Pourquoi? Parce que nous sommes des humains dotés d’émotions. La tristesse qui nous habite après cet acte peut mener bien des vétérinaires vers une détresse psychologique.

Si je ne compte pas l’euthanasie de mes propres animaux, l’euthanasie de Roco*, le plus adorable des Labradors qu’il m’a été permis de connaître, est celle qui m’a le plus touchée. C’était au tout début de ma carrière, il y a près de 18 ans…

J’ai rencontré Roco pour la première fois lors d’une consultation de routine. Déjà, avant même une première caresse, cet énergique labrador me charmait. Mais ce qui m’avait le plus frappé était le lien indéfinissable qui le reliait à son humain, Mathieu**. Une connexion invisible, mais puissante les liait et sans savoir pourquoi, je la ressentais. Je savais que ces deux-là auraient un passage marquant dans ma propre vie.   

Malheureusement, même si Roco était encore jeune, il a développé un cancer. Une masse est apparue sur l’une de ses lèvres supérieures et a grossi en peu de temps. L’analyse de celle-ci a révélé un mastocytome cutané. Bien que la résection chirurgicale nous a permis de retirer la tumeur, sa localisation ne nous permettait pas de l’enlever complètement. De plus, ce type de néoplasie (cancer) amène bien souvent une dissémination de cellules cancéreuses dans le corps appelées « métastases ». Roco n’a pas été épargné.    

Nous avons donc instauré un protocole de chimiothérapie afin de gagner un peu de temps et des soins de confort. Le plus important pour Mathieu était que son compagnon ne souffre pas. Chaque semaine, j’avais un entretien téléphonique avec lui pour faire le point sur l’état de Roco. Et naturellement, des suivis en clinique étaient aussi à l’horaire. Bien que je vouvoie normalement mes clients, nous avons vite laissé tomber les formalités, un lien indescriptible me liait dorénavant avec ses deux êtres.  Même si Mathieu semblait fort, une fragilité l’habitait. Alors en plus de soigner Roco, j’écoutais et conseillais cette personne dont la vie basculerait au départ de ce dernier. Et nous n’avions que peu de temps devant nous malheureusement.  

Après quelques mois de soin et de suivi, le moment a été venu de laisser partir Roco… 

Je m’en souviens comme si c’était hier. En couchant ses mots, des frissons parcourent mon épiderme et les larmes me viennent aux yeux. Roco était tellement important dans la vie de son humain, sa présence étant en soi une thérapie pour lui, qu’un énorme morceau de l’âme et du cœur de Mathieu se sont envolés ce jour-là. Bien que dans notre pratique de tous les jours, le temps est compté, pour Roco, son humain et moi, il n’y avait aucun sablier qui calculait les minutes. Rien ne pouvait me déroger de ce moment d’une tristesse infinie. Même si je me devais d’être forte pour accompagner Mathieu, cet humain sensible avec qui j’avais tissé un lien d’amitié, mon cœur a décidé que je devais rester fidèle à mes valeurs. Alors quand est venu l’instant d’injecter la dose létale, des larmes de chagrin ont roulés sur mes joues, accompagnant celles de Mathieu. Nos regards voilés se sont croisés quand Roco a émis son dernier souffle… Plusieurs minutes de silence se sont écoulées, puis Mathieu m’a serré dans ses bras réconfortants et nous avons pleuré ensemble le départ de Roco.  Je crois bien qu’une partie de mon cœur a aussi disparu ce jour-là… 

La perte d’un animal n’est jamais facile pour ses humains. C’est un deuil tout comme la perte d’un être cher. Pour votre vétérinaire, c’est aussi un moment éprouvant, que ce soit un patient de longue date ou non. Sachez que nous compatissons avec vous et que la tristesse habite bien souvent notre cœur également… nous arrachant un fragment chaque fois.  

*Noms fictifs : Pour préserver l’anonymat et la confidentialité, le nom de l’animal et de son humain a été changé. 

Elle signe ce texte

Dre Véronique Miller est vétérinaire à Lévis.

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