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Quand la médecine vétérinaire m’a sauvée…


C’est la semaine de la santé mentale de l’Association canadienne pour la santé mentale (ACSM), sous le thème #ParlerPourVrai. Ça m’a inspirée à vous partager une période particulièrement difficile de ma vie, qui n’est pas terminée, même si je remonte très doucement la pente.

Travaillons-ensemble

J’aime la vie, et ça a toujours été. J’adore rire, voyager, partager, aimer, apprendre, déguster, jouer, profiter, travailler, accueillir… J’apprécie particulièrement le contact humain et, bien sûr, le lien si essentiel entre l’humain et l’animal. Je pratique un métier qui me passionne véritablement, je suis typiquement la dernière à quitter dans les partys (quand ils sont permis!) et je ne veux jamais rien manquer.

Je ne pensais pas qu’un jour, ce serait possible pour moi de ne plus vouloir vivre.

Ceux et celles qui me connaissent savent que j’ai vécu mon lot de grands deuils et de défis dans ma vie personnelle. La vie m’a souvent mise rudement à l’épreuve, mais j’arrivais toujours à retomber sur mes pattes avec du temps et de l’accompagnement par mon entourage et, au besoin, des professionnel(le)s.

J’ai appris au fil des difficultés vécues que j’ai horreur que les gens me voient souffrir.

D’ailleurs, ça a été un sujet de discorde avec mon copain, quand il ne comprenait pas pourquoi je me cachais dans la salle de bains pour pleurer, dans les mois qui ont suivi le décès subit de ma maman. J’ai aussi déjà travaillé toute une journée en clinique sans dire à mes collègues que j’étais en train de faire une fausse couche, jusqu’à ce que j’aie peur de perdre connaissance en fin de soirée.

C’est vraiment un blocage pour moi, un réflexe viscéral, et je ne pourrais dire précisément pourquoi. Malaise, fierté, ego, peur de démontrer de la faiblesse et appréhension du jugement des autres en font certainement partie, mais aussi le fait que j’ai toujours été une leader naturelle. Je suis la grande sœur, maintenant la maman, toujours dans l’action, celle qui trouve les solutions et qui pilote le navire, même quand il est en train de couler.

C’est difficile pour moi de concevoir que je peux, et que je dois, parfois m’écrouler et laisser les autres s’occuper de moi.

Honnêtement, même écrire ces lignes est un grand défi; j’ai l’impression de me mettre à nu sur la place publique et je regrette presque de m’être proposée! Ce qui me motive à rédiger ce texte, c’est la certitude que je ne suis pas seule à sentir le besoin de cacher ma douleur, comme on camoufle les vêtements sales dans les garde-robes avant que la visite arrive. Je pense même que c’est une caractéristique potentiellement commune dans notre profession hyperperformante et perfectionniste.

Je suis dans une position de leadership, autant dans ma vie professionnelle que dans mon rôle de parent, et je crois que c’est important de partager qu’on a le droit d’avoir mal, de ne plus savoir comment avancer et d’avoir besoin d’aide.

Ne pas en parler, c’est contribuer au tabou, d’où le thème #Parlerpourvrai.

Alors voilà… Cet été, la vie m’a brisée. Nous avons perdu notre petit Xavier, notre 2e fils si parfait et tant attendu, alors qu’il était encore dans mon ventre en toute fin de grossesse. Décollement placentaire subit et massif… Je ne m’éterniserai pas sur le deuil périnatal, un tabou en soi, mais je vais résumer en vous disant que la douleur qu’on ressent quand on berce son enfant décédé, personne ne devrait la vivre.

Dans les semaines qui ont suivi le décès de Xavier, la réalité ne m’avait pas encore frappée. J’étais sous le choc et en mode action : adoption d’un chien, achat d’un piano, projet de tatouage, urne sur mesure, recherche de psy (heureusement!), discussion avec ma gynécologue sur mes inquiétudes concernant une future grossesse et j’en passe… Problème = solutions! Comme d’habitude… Si seulement c’était aussi simple.

Comme la grande majorité de mes amies étaient soit enceintes ou en plein congé de maternité, je me suis beaucoup isolée et je ne répondais plus aux messages ou au téléphone. C’est d’ailleurs une des principales raisons pour lesquelles j’ai quitté la clinique où j’ai eu le plaisir de travailler avec de formidables collègues pendant près de 10 ans : 11 autres maternités en même temps que moi (grossesses et congés), et je n’exagère pas!

Quelques semaines ont passé et j’ai graduellement perdu le goût de vivre. Je suffoquais et je refusais d’accepter cette nouvelle réalité. Je n’avais pas de plan et j’ai eu les bons réflexes, heureusement : en parler avec mon copain, en parler avec ma psy… Honnêtement, je ne pense pas que j’aurais été capable de passer à l’acte à cause, ou plutôt grâce à mon fils, notre charmant Laurent aux yeux curieux et au rire si franc… lui qui était tellement excité de devenir grand frère. Il reste que je n’avais pas plus envie de continuer. J’avais perdu mes repères et toute confiance en la vie. Alors je visais de me rendre au lendemain, et parfois même demain était trop loin. Une journée à la fois, une heure à la fois, une respiration à la fois…

Avec l’aide de ma psychologue et de mes proches, j’ai tranquillement retrouvé certains plaisirs de la vie et j’arrivais à mieux avancer. Cet automne, je suis retournée en clinique : une nouvelle équipe si accueillante, des journées bien remplies et beaucoup d’adaptations! Enfin, je pouvais me concentrer sur ce que je sais faire le mieux : aider. Mon retour en pratique a vraiment été salvateur et, comme je gardais mes problèmes personnels pour moi (évidemment!), je me sentais comme une personne « normale » pour la première fois depuis longtemps.

Confrontée à d’autres difficultés personnelles, j’ai sombré à nouveau quelques mois plus tard. Chaque jour, je me levais en me demandant comment j’allais faire pour me rendre au soir. Je voulais mourir. Le seul endroit où je me sentais bien, c’était à la clinique. Les journées chargées, les fous rires entre collègues et la course effrénée pour aider tous les patients avaient le mérite de m’occuper l’esprit et de me donner l’impression d’être utile. J’en profite pour remercier mes précieuses collègues pour leur bienveillance, leur bonne humeur et leur excellent sens de l’humour. Dans mon cas, la médecine vétérinaire a été une véritable bouée de secours, mais l’envie de mourir m’attendait dans le stationnement, fidèle au poste, dès que je quittais.

Cela a duré quelques semaines, au point où ma psy et moi avons discuté de potentielle médication. Je ne sais pas ce qui a changé, mais les journées ont passé et j’arrivais à les traverser de plus en plus facilement. Le temps, le maudit temps dont on nous parle toujours lorsqu’on fait face à un deuil… Finalement, je n’ai pas eu recours à la médication, même si j’étais très ouverte à l’idée. Ayant un grand intérêt pour la médecine comportementale, je suis bien placée pour comprendre que parfois le cerveau a besoin d’un coup de main pour reprendre le dessus. Certaines blessures, comme la perte d’un enfant, ne guériront jamais et il faut apprendre à vivre avec. Aujourd’hui, je ne peux dire que je suis remise, mais j’ai vraiment envie de vivre. C’est bon signe.

Ce que j’ai retenu de ce tragique chapitre de ma vie et ce que je tiens à vous partager :

  • Les personnes qui souffrent le plus ne le démontrent pas nécessairement. Les problèmes de santé mentale sont insidieux : posez des questions, soyez attentifs et à l’écoute de vos proches et de vos collègues.
  • Sans le savoir, vous faites une réelle différence pour les gens que vous côtoyez. Votre sourire (même derrière le masque!), votre bienveillance, votre humour ont un impact important dans la journée de votre collègue, ou même de votre dentiste, du commis à la pharmacie ou de la caissière à l’épicerie. Souriez, ayez du plaisir : c’est contagieux.
  • Se montrer fort(e) et éviter à tout prix de laisser paraître sa souffrance sont des comportements qui peuvent être très délétères. Ce réflexe peut vous nuire plus qu’il peut vous aider (citation de ma psy !) Si vous vivez des moments difficiles, mieux vaut en parler avec votre entourage.
  • Si demain vous paraît trop loin, parlez à quelqu’un en qui vous avez confiance, consultez un(e) professionnel(le), demandez de l’aide. La vie vaut la peine d’être vécue, je vous le promets.

Sur ce, je vais aller me rhabiller au sens figuré. 😉

Prenez soin de vous, vraiment…

Si vous ou un de vos proches avez besoin d’aide, des infos et des outils sont disponibles ici : https://acsmmontreal.qc.ca/

Dre Angélique Perrier-Edmunds

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