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Finissants en médecine vétérinaire, accordez-vous un peu de répit

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chapeau de graduation sur livres

C’est samedi soir. Je rentre de prendre une marche avec mon chien. J’ai travaillé aujourd’hui, pas comme vétérinaire (ce n’était pas mon tour de faire le samedi), mais comme leader, comme entrepreneure. Les courriels s’accumulent tellement durant la semaine que je n’arrive jamais à prendre le dessus. Je m’y mets donc le week-end.

Travaillons-ensemble

Aujourd’hui je suis aussi restée disponible pour mon équipe, toute la journée. Comme chaque jour j’ai gardé mon téléphone ouvert et j’ai répondu rapidement chaque fois qu’il s’agissait de quelqu’un de mon équipe. Je sais entre autres qu’il y a eu un cas compliqué à l’hôpital vétérinaire aujourd’hui. Les jeunes vétérinaires m’ont appelé. J’ai aidé, nous avons réfléchi ensemble. Une chatte qui allait vraiment très mal. Un propriétaire dévoué qui n’était pas prêt à considérer l’euthanasie. Un cas lourd et très demandant, émotivement.

La spirale émotive

Samedi soir, un texto qui entre. C’est la jeune vétérinaire responsable du cas de la chatte mal en point, qui a été vue aujourd’hui. Elle se sent mal. Elle se demande ce qu’elle aurait pu faire de plus.  Elle m’envoie les radiographies et les tests de sang. Elle m’envoie son dossier. On repasse une fois de plus le cas ensemble. Elle a bien agi, elle a fait pour le mieux. Elle a donné toutes les explications au client, sans le brusquer.  Elle est restée beaucoup plus tard à l’hôpital pour aider la chatte.  Elle s’est franchement dévouée et a offert tant à l’animal qu’au propriétaire, le meilleur d’elle-même.

Deux heures plus tard, elle me relance. Elle se demande ce qu’elle aurait pu faire de différent. Elle s’interroge sur l’état de la chatte. Elle fait des téléphones dans les centres d’urgence au cas où la chatte y aurait été emmenée si son état s’était encore détérioré. Elle est inquiète tant pour son patient que pour le propriétaire qui ne sait peut-être plus quoi faire. Je la rassure. Elle a fait tout ce qui était en son pouvoir. Elle ne peut qu’espérer que la suite se passe bien pour cette minette, que les gens n’hésiteront pas à lui ramener si son état se détériore de toute façon. Je lui suggère une bonne nuit de sommeil.

Dimanche matin, elle m’appelle. Nous rediscutons du cas de vive voix. Cette fois-ci, je lui apporte plus de nuances. Je lui fais voir que de mon point de vue, elle a fait le maximum et que si elle veut continuer à aider d’autres patients lundi, elle doit donner un répit à son cerveau et… à son coeur.

Attention à la charge émotive

Chaque fois, ça me rappelle à quel point les premières années en pratique vétérinaire sont exigeantes. Ça me rappelle que l’école nous prépare très peu à encaisser la charge émotive qui vient avec le fait de « dealer » avec de vrais patients, avec de vrais humains. Le taux de dépression dans la profession vétérinaire est malheureusement très élevé, entre autres à cause de cette charge émotive et de comment elle affecte chacun de nous, différemment. Malgré des programmes mis en place par les associations, il reste beaucoup de chemin à parcourir. Beaucoup de chemin à faire pour que les hyperperformants qui entrent en médecine vétérinaire en ressortent avec un doctorat, mais aussi avec des outils concrets pour traverser les tempêtes émotives du quotidien de la profession, si belle soit-elle. On a tous un niveau de tolérance plus ou moins élevé à la tristesse, à la détresse, au malheur des autres, au détachement, à la colère… Quand on y pense, ce sont tous des sentiments avec lesquels les médecins vétérinaires doivent composer tous les jours. Si on apprenait à mieux connaître nos limites et qu’on était bien outillé pour faire face à la charge émotive, je suis d’avis que tous en profiteraient, nos patients et leur famille aussi.

Je vais faire tout ce que je peux pour aider cette bébé-vétérinaire à prendre confiance en elle. Je vais être disponible pour elle, répondre à toutes ses questions. Contribuer à sa formation continue. Pour avoir accompagné plusieurs finissants dans ma vie, je continue de pense que l’école aurait un rôle plus grand à jouer dans cet aspect de la profession. Ensemble, on peut y réfléchir ?