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La rupture du ligament croisé crânial


Vous marchez tous les jours avec Max, votre énergique labrador. Bien qu’il n’ait jamais boité, il peine à mettre du poids sur son membre postérieur gauche depuis sa dernière promenade. Malgré le repos, il semble avoir mal et refuse de poser sa patte au sol. Vous décidez de consulter votre vétérinaire. Verdict : Max a une rupture du ligament croisé crânial dans le genou. 

Comment fonctionne le grasset (ou genou) ?

Le grasset est une articulation du genou chez le chien qui joue le rôle de stabilisateur tout en permettant un mouvement fluide et contrôlé. Comme leur nom l’indique, les ligaments se croisent au centre de l’articulation pour former un X.  

Comment se passe la déchirure du ligament croisé crânial ?

La déchirure du ligament croisé crânial est très fréquente chez le chien. Bien qu’elle puisse être aiguë, elle est le plus souvent chronique, inflammatoire et dégénérative. Le ligament croisé affaibli et étiré subit une rupture partielle qui peut durer plusieurs mois, voire plusieurs années. Une simple descente du lit ou un mouvement trop brusque peut entraîner sa rupture complète. Contrairement à l’humain, la déchirure du ligament croisé crânial est donc rarement traumatique. Elle est plutôt progressive.

La rupture complète du ligament croisé crânial conduit à une instabilité de l’articulation. Bien souvent, une déchirure d’un ou des deux ménisques (soit les coussins dans le genou) est également présente. Elle peut engendrer une boiterie sévère et une douleur importante.  

Malheureusement, le plus souvent, un chien atteint développera une dégénérescence similaire de l’autre genou, un à deux ans après.

Quelles sont les causes de la rupture du ligament croisé crânial ?

On ne connaît pas encore les causes exactes de la rupture du ligament croisé crânial chez le chien mais on soupçonne une prédisposition génétique. Il y aurait aussi une composante multifactorielle. En effet, une mauvaise condition physique, un surpoids, une conformation osseuse inadéquate, une hyperactivité, la pratique d’un sport intense ainsi qu’une stérilisation précoce contribueraient à augmenter le risque d’en souffrir. De nombreuses recherches sont en cours.  

Quelles races de chiens sont affectées ?

Tous les chiens peuvent être touchés bien que les grandes races le soient plus souvent (labrador, golden retriever, bouvier bernois, rottweiler, boxer, bulldog, Terre-Neuve, mastiff, mâtin de Naples, Saint-Bernard, terrier du Staffordshire, terrier Airedale, Akita, berger allemand…).

Quels sont les symptômes de la rupture du ligament croisé crânial ?

Certains signes subtils sont parfois présents avant même la rupture du ligament. Le chien peut :

  • présenter une boiterie légère après une activité physique;
  • transférer son poids sur le membre non affecté;
  • avoir un membre qui n’est pas replié correctement ou qui est sur le côté lorsqu’il est assis;
  • présenter une masse musculaire moins développée sur la patte atteinte;
  • avoir de la difficulté à effectuer certains mouvements.

Lorsque le ligament croisé se rompt, une boiterie soudaine apparaît. Le chien peut alors être réticent ou même incapable de poser son membre au sol. Même si, après plusieurs jours ou semaines, la boiterie semble s’améliorer, l’articulation reste gonflée. L’inflammation persiste, menant irrémédiablement au développement d’arthrose. La douleur, bien que moins facilement visible, reste néanmoins présente et chronique. Avec le temps, le chien peut ne plus être capable d’effectuer certaines activités. Il peut aussi éprouver de la difficulté à se lever après un repos prolongé à la suite d’un exercice ou avoir du mal à monter ou descendre des escaliers ou à sauter dans la voiture. 

Comment poser le diagnostic ?

Le vétérinaire observera la démarche de votre chien, effectuera un examen orthopédique minutieux et réalisera des radiographies afin de poser le diagnostic. En manipulant l’articulation, il fera le test du tiroir (mouvement en avant et en arrière du genou) qui est impossible à réaliser sur un genou sain et sans rupture du ligament. D’autres manipulations peuvent également aider à poser un diagnostic. 

Les radiographies ne permettent cependant pas de visualiser les ligaments. Elles servent surtout à identifier la présence d’enflure, à exclure les autres maladies (par exemple, une fracture, un cancer de l’os…) et à évaluer la sévérité de l’arthrose. S’il s’agit bien d’une rupture du ligament croisé crânial, on envisagera une chirurgie. 

Quel est le traitement pour une rupture du ligament croisé crânial ?

Une chirurgie est toujours préconisée, car elle seule permettra de stabiliser le genou et de retirer le ménisque déchiré si tel est le cas. Le chien pourra alors reprendre une activité physique et sera moins susceptible de subir des dommages articulaires à long terme comme de l’arthrose. 

En quoi consiste la chirurgie ? 

Diverses techniques sont possibles selon la taille de l’animal, son mode de vie et son niveau d’activité physique. Toutefois, on effectue en général une TPLO (Tibial Plateau Leveling Osteotomy). Cette technique offre en effet les meilleurs résultats à long terme. Elle consiste à modifier la biomécanique du corps de l’animal en stabilisant son genou à l’aide d’une plaque et de vis, bien que le ligament ne puisse être réparé. L’articulation est ainsi stabilisée et le développement de l’arthrose fortement ralentit. 

Si elle est effectuée tôt, avant l’installation d’une arthrose sévère, cette chirurgie a un très bon taux de succès. Elle est réalisée par un chirurgien vétérinaire spécialiste ayant une formation et une expérience spécifiques, bien que certains vétérinaires généralistes la proposent également. 

Après un repos postopératoire de six à huit semaines, un programme de réhabilitation physique est mis en place. Les exercices de physiothérapie favoriseront la prise de masse musculaire, tout en permettant au membre de retrouver sa fonction normale le plus rapidement possible. 

Existe-t-il un traitement non chirurgical ? 

Oui, mais ce traitement médical (repos, anti-inflammatoire et analgésiques) ne permet qu’une gestion partielle de la douleur. Il ne stabilise en aucun cas l’articulation et limite grandement un retour à l’activité normale. La boiterie et la douleur persisteront et pourront s’aggraver. L’arthrose s’installera progressivement et l’animal sera de plus en plus restreint dans ses mouvements et son quotidien à long terme. Cette option n’est donc généralement pas recommandée. 

Existe-t-il un traitement complémentaire ?

Si un traitement non chirurgical est choisi, une approche multimodale à long terme sera préconisée (ce qui pourra aussi être le cas avec une chirurgie). 

Cette dernière permet d’allier plusieurs modalités de traitement afin de tirer le bénéfice de chacune et d’atténuer la douleur chez l’animal tout en essayant de retarder la progression de l’arthrose. 

  • Le chien doit rester mince afin de limiter la pression sur ses articulations. Il peut faire de l’exercice, mais de manière réduite s’il n’est pas opéré. De plus, il doit éviter les activités qui ont un fort impact sur les articulations. Une marche brève en terrain plat, mais de façon fréquente, ainsi que de la natation sont des exemples d’activités permises. 
  • L’ajout dans le régime alimentaire de nutraceutiques tels que les Oméga 3, le collagène de type II, le Bosweillia, la moule verte et la glucosamine sont recommandés. On pourra aussi donner des nourritures articulaires spécialisées. Évidemment, il est important de discuter de toutes ces options avec le vétérinaire avant de les adopter.
  • L’acupuncture, l’ostéopathie, la physiothérapie et le laser thérapeutique peuvent aussi être utiles dans la gestion de la douleur et du bien-être. 
  • Plusieurs types de médications peuvent être prescrites pour aider à protéger le cartilage et contrôler la douleur et l’inflammation. 

Qu’en est-il des orthèses ?

Plusieurs compagnies, ayant à cœur le bien-être animal, réalisent des prothèses sur mesure. Toutefois, aucune étude scientifique n’a démontré leur bénéfice dans le traitement de la rupture du ligament croisé crânial. 

Ainsi, en cas de rupture du ligament croisé, une intervention chirurgicale est recommandée. N’hésitez pas à en discuter avec votre vétérinaire ou demandez à voir un spécialiste. Vous prendrez ainsi une décision éclairée. 

Elle signe ce texte

Dre Véronique Miller est vétérinaire à Lévis.